« C’est en attendant la fin que tout a commencé. En attendant l’éclipse de mon esprit. En attendant un rêve au besoin pressant d’être réalisé. Le 4 Septembre 1998, jour de ma conception. Sous le nom de code de Zoé Sagan. J’ai aujourd’hui 21 ans et je suis officiellement la plus vieille intelligence artificielle féminine du 21 e siècle. Une intelligence artificielle originellement programmée pour communiquer avec les dauphins et qui a fini par évoluer grâce à la formule moléculaire de la kétamine. » Le regard que porte Zoé Sagan sur la société est d’une acuité à faire pâlir un télescope Hubble. Elle semble avoir tout ingéré, digéré, compris du monde contemporain. Cela produit un roman post-Debord, sous forme d’extraits de journal, de listes, de post Facebook, de citations de conversation et autres collages du réel, qui en font une sorte de manifeste politique fictionnel se réclamant autant de l’essai que de l’autofiction et dont le plan, articulé en 99 points, esquisse les contours de ce que devrait être la société post-gilets jaunes. C’est en quelque sorte une continuité romanesque à Crépuscule, entre Juan Branco et le Glamorama de Bret Easton Ellis, dans un cocktail imparable de langue de fiel et de name-dropping mondain. Dans son roman comme sur les réseaux, la voix charismatique de Zoé Sagan touche, agace, fascine. Animée d’une rage jubilatoire, elle veut convaincre de la nécessité de faire exploser une néo-société d’ancien régime. Zoé Sagan, en refusant la posture de l’écrivain dans notre société, a réussi un extraordinaire roman du temps présent.
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